Dans cette publication de l’International Peace Institute de novembre 2022, Albert Trithart s’intéresse à la désinformation visant spécifiquement les missions de paix de l’ONU. Celles-ci font face à des campagnes de désinformation les accusant de participer au trafic d’armes, de fournir des armes aux groupes terroristes, de les soutenir ou bien encore d’exploiter les ressources naturelles des pays dans lesquels elles sont implantées. Cette désinformation a pour conséquence de mettre en danger les soldats du maintien de la paix et de nuire à l’efficacité des missions. Les principales missions touchées sont la MINUSCA, la MINUSMA et la MONUSCO. L’auteur souligne que la dynamique qui sous-tend ces campagnes de désinformation diffère d’un pays à l’autre mais qu’il existe plusieurs facteurs communs qu’on retrouve en RDC, au Mali et en RCA : la frustration, la colère, la peur face à une situation sécuritaire instable et l’échec perçu des missions de maintien de la paix. C’est ce ressentiment envers les missions de paix qui créé une crise de légitimité et une situation favorable à la propagation de fausses informations à leur égard. Au siège et sur le terrain, le personnel de l’ONU tente d’intensifier ses efforts pour lutter contre la désinformation. Depuis juin 2022, la politique de communication stratégique du Département des opérations de paix de l’ONU met en œuvre un axe de travail basé spécifiquement sur la lutte contre la désinformation. Sur le terrain, La MINUSCA, la MINUSMA et la MONUSCO ont toutes pour mandat d’aborder et de rendre compte de la désinformation. L’auteur explique qu’une lutte préventive contre la désinformation permettrait, d’une part d’améliorer la sécurité du personnel sur le terrain, et d’autre part, d’aider à la création d’un climat politique plus sain. Pour autant la désinformation reste le symptôme de problèmes plus graves liés à la géopolitique régionale et internationale, et à la relation entre la mission, l’état hôte et les populations. Trithart propose une série de questions cadre que les missions et le DOP devraient se poser lors de l’élaboration des politiques, directives, structures et activités de lutte contre la désinformation : – Comment les missions peuvent elles développer une approche stratégique et transversale de la désinformation ? – Comment les missions peuvent elles mieux surveiller et analyser la désinformation en ligne et dans les médias plus ‘classiques’ ? – Comment les missions peuvent elles répondre plus rapidement à la désinformation ? – Comment les missions peuvent elles transformer les récits anti ONU ? – Comment les missions peuvent elles contribuer à un environnement informationnel plus sain ? – L’ampleur du problème exige-t-elle un changement d’approche plus décisif ?
L’autrice termine tout de même en précisant que les Nations unies restent le meilleur acteur pour maintenir la paix et la sécurité, et que le maintien de la paix est l’un de ses outils les plus puissants pour y parvenir.
Dans cet article de PRIO, Ismene Gizelis et Louise Olsson, respectivement professeure à l’université d’Essex et chercheuse au PRIO, soutiennent l’idée selon laquelle même si les opérations de maintien de la paix des Nations unies ne sont pas toujours couronnées de succès, elles produisent en revanche des externalités positives au-delà de la réduction de la violence. Les autrices avancent notamment que les opérations de maintien de la paix peuvent empêcher la reprise des conflits, limiter la violence contre les civils et favoriser la réconciliation. Cet article s’inscrit dans le cadre du projet Peace Dividends ayant pour objectif d’étudier les avantages du maintien de la paix, de la reconstruction post-conflit et du renforcement de l’État.
Les autrices argumentent que les opérations peuvent jouer un rôle central dans le soutien des réformes menées par l’État dans le cadre d’accords de paix ou dans l’établissement d’un nouveau contrat social. De manière générale, le travail de synergie entre les réformes de l’Etat et les opérations de maintien de la paix peut amener à des avancées majeures dans les efforts internes de développement. En particulier, cette synergie peut avoir des effets positifs sur les résultats du développement tels que la santé, l’éducation et l’autonomisation des femmes.
En conséquence, les autrices prônent une redéfinition des objectifs de sécurité des opérations de maintien de la paix afin d’adopter une approche ambitieuse et globale de la reconstruction post-conflit. Cela permettrait de pleinement utiliser le maintien de la paix comme un outil limitant les conséquences dévastatrices de la guerre. Les autrices formulent également une matrice d’indicateurs pour évaluer le travail des opérations de maintien de la paix. Elle se compose de trois critères : le développement humain, l’inclusion politique et l’égalité des genres, et la capacité de l’État en termes de fiscalité et de finances publiques. Selon les autrices, en analysant l’évolution de ces trois dimensions, il est possible d’évaluer quelles politiques de maintien de la paix sont plus (ou moins) efficaces et comprendre comment les institutions – et par extension le développement – peuvent croître au sein de contextes post-conflit. Enfin, les autrices soulignent l’importance d’adopter une approche inclusive à l’égard des femmes dans la construction de la paix.
Dans cet article du Danish Institute for International Studies, un ensemble de chercheurs travaillant sur le maintien de la paix, plaident pour une réinvention du maintien de la paix en Afrique. Les auteurs commencent par rappeler la nécessité d’une réévaluation complète des pratiques du maintien de la paix. En effet, Il est de plus en plus admis que les opérations multidimensionnelles des Nations unies n’ont pas atteint les objectifs fixés, à savoir l’instauration d’une paix équitable et durable là où elles ont été déployées. Les auteurs mettent notamment en avant les écarts importants entre les attentes et les réalités sur le terrain dus à l’élargissement des mandats des missions de maintien de la paix pour s’adapter à la complexité croissante des crises.
Les tensions entre les membres du Conseil de sécurité des Nations unies constituent également des obstacles importants à l’innovation dans le maintien de la paix. Cela a notamment engendré l’accroissement de l’implication des organisations régionales dans le maintien de la paix ainsi que la création de missions ad hoc pour la résolution des conflits, comme la force conjointe du G5 Sahel. De manière générale, le maintien de la paix, qui auparavant se traduisait par des opérations multilatérales à long terme menées par les Nations unies avec des objectifs généraux, est aujourd’hui porté par des missions de réaction rapide à court terme visant à lutter contre le terrorisme ou les insurrections. Bien que ces missions soient plus agiles et flexibles, contrairement aux OP onusiennes traditionnelles, elles comportent également d’importants défis, en termes d’intérêts personnels des États engagés, de durabilité (les ressources manquent souvent) et de coordination.
Les auteurs concluent que cette transition vers des stratégies plus régionales nécessite une réévaluation profonde des principes fondamentaux qui ont guidé le maintien de la paix au cours des dernières décennies, il faut un recalibrage de ce qui constitue un maintien de la paix efficace. Les auteurs appellent notamment à la mise en place à des stratégies non seulement novatrices, mais aussi plus systématiquement enracinées dans les réalités des régions touchées par les conflits. Par exemple, si l’accent mis sur le leadership de l’Union africaine (UA) a été jusqu’à présent plus rhétorique que fondé sur des pratiques réelles, les États membres de l’UA doivent jouer leur rôle, sur les plans politique et stratégique, afin de façonner les initiatives de maintien de la paix en conséquence.