Cette note explore les enjeux et défis relatifs à la circulation des informations propres aux activités de renseignement, au sein des opérations de paix (OP) de l’ONU. À travers l’étude du cas de la MINUSMA, elle démontre à quel point la mise en place de ces activités est imbriquée dans les débats sur l’évolution des pratiques onusiennes. L’étude réaffirme que l’institutionnalisation des structures chargées du renseignement au sein des OP a été le théâtre de luttes bureaucratiques axées sur la reconnaissance de différentes formes d’expertises, de méthodes et de pratiques à développer en la matière.
Ainsi, la MINUSMA semble avoir révélé, autant qu’elle a pu contribuer à alimenter un changement de paradigme au sein des opérations de paix. Dans un environnement conflictuel particulièrement violent, qui a favorisé le retour des contingents européens principalement membres de l’OTAN au sein de la mission, la fonction renseignement s’est militarisée. L’étude de la circulation des informations relatives aux activités de renseignement démontre que l’expérimentation mise sur pied spécialement au Mali a débouché sur un ensemble d’effets qui ont pu entraver l’efficacité de la mission, voire sa cohérence. D’une part, au sein de la mission, pour des raisons principalement politiques, organisationnelles et techniques, cette innovation a conduit à des formes de clivages (entre contingents nationaux, entre services de renseignement, voire entre composantes civiles et militaires de la mission) qui ont participé à nuire à la mise en place des mandats attribués à la mission. D’autre part, l’étude revient sur les enjeux propres à la circulation de renseignement entre les composantes militaires de l’ONU et les forces régionales et internationales présentes au Mali. Elle montre que l’étude du renseignement dans le cadre de la MINUSMA permet d’observer l’interconnexion croissante entre le travail onusien et celui des acteurs « contre-terroristes », et en questionne les effets. Enfin, malgré les tentatives d’adaptations organisationnelles, l’analyse suggère que le cas malien ne permet pas de dire que l’ONU ait pu trouver des solutions qui soient entièrement efficaces et cohérentes.
La note propose donc des pistes de réflexion pour les futures opérations de paix. Elle incite à réinvestir davantage les notions de confiance, d’informalité et de transparence, ainsi qu’à mieux considérer leur enchevêtrement. Elle recommande également de recentrer ce domaine d’activité sur les besoins des civils et les dynamiques politiques dans le pays d’intervention.
Antoine Younsi est chargé de recherche au sein du GRIP depuis mars 2024. Il est titulaire d’un master de sociologie, parcours « sociétés, pouvoirs et représentations », effectué à l’Université de Bordeaux. Actuellement, il termine son doctorat de relations internationales à l’ULB, qui porte sur les régimes d’actions « contre-terroristes » au Mali. Ses domaines d’expertise portent sur les problématiques relatives aux interventions militaires au Sahel, à l’usage de la force dans les conflits armés contemporains, aux relations civilo-militaires en France, ainsi qu’au rapport entre l’évolution des technologies et des pratiques guerrières.